7 nœuds d’amarrage qui frappent

Par Nicolas

Quelques connaissances en matelotage vous permettront souvent gagner du temps, d’économiser vos efforts et vous éviteront même souvent pas mal de frustration. Dans les trois premiers articles de cette série, nous avons déjà passé en revue les nœuds d’arrêt, les nœuds d’ajut et les boucles. Ces trois ensembles de nœuds répondent à des besoins fondamentaux : retenir un cordage, les relier entre eux et créer un œil.

Il nous reste donc à aborder le dernier groupe indispensable : les nœuds d’amarrage. Ceux-ci permettent de frapper un bout à un objet pour le soumettre à une traction. Et ce, sans avoir à réaliser une épissure, ce qui permet de régler ou dénouer la connexion. Voyons donc, pour ce faire, sept nœuds qui correspondent à des usages différents. Et bien-sûr, avant d’attaquer, n’hésitez pas à vous référer aux précédents épisodes pour réviser vos fondamentaux.

Qu’entend-on par un nœud d’amarrage ?

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un nom véritablement « officiel », on parlera ici de nœud d’amarrage pour désigner un nœud qui permet de fixer un bout à un objet ou point fixe. Il peut s’agit d’une bitte, d’un taquet, d’un rail, d’un espar, de n’importe quelle pièce d’accastillage, et même d’un autre cordage. On dit alors qu’on « frappe » le bout sur le point fixe.

L’amarrage permet donc de créer avec le point fixe une connexion dynamique qui peut être mise sous tension, déplacée et relâchée. La charge est alors transmise à l’objet. Un bon nœud d’amarrage peut donc conserver une proportion importante de la charge de rupture du cordage, tout en restant facile à vérifier et à ajuster. Les critères d’un bon nœud d’amarrage sont :

  • Tenue sous charge : le nœud doit agripper le point fixe sans glisser, même si la traction change de direction.
  • Facilité à le desserrer : une fois la tension relâchée, le nœud doit pouvoir se défaire sans effort, et en particulier sans avoir à couper le bout.
  • Ne pas se souquer : un nœud impossible à défaire empêche les réglages rapides, surtout par temps humide ou froid.

En ayant ces qualités en tête, passons maintenant en revue sept nœuds d’amarrage que tout marin devrait connaître.

Nœud de cabestan

  • Comment le nouer : Le nœud de cabestan consiste à réaliser deux demi-clés autour de l’objet. Faites un tour autour du point fixe et ramenez le courant vers vous. Passez ensuite par-dessus le dormant. Puis continuez à tourner le courant autour du point fixe parallèlement au premier tour. Passez enfin l’extrémité du courant sous le « croisement » et serrez le nœud fermement. Les deux tours doivent bien être côte à côte.
  • Avantages : Le nœud de cabestan est rapide à mettre en place, et très facile à déplacer simplement en donnant du mou sur le dormant. Il fonctionne particulièrement bien sur des objects cylindriques comme un mât, une bôme, un chandelier ou un rail. Il est donc idéal pour assurer un bout temporairement pendant qu’on règle une voile ou un pare-battage.
  • Inconvénients : Sur des surfaces lisses ou coniques le nœud peut se desserrer ou glisser, surtout si la charge n’est pas appliquée perpendiculairement à l’objet. Enfin, s’il n’est pas assuré davantage, un choc brutal peut le faire basculer.
  • Conseils : Sur un support lisse ou glissant, ou s’il doit y avoir des à-coups, sécurisez le nœud avec une demi‑clé autour du dormant. Avant de le mettre sous tension, serrez bien le nœud : un nœud de cabestan lâche a tendance à glisser.

Un tour mort et deux demi‑clés

  • Comment le nouer : Commencez par un tour mort (un tour complet autour du point fixe). Continuez ensuite la rotation pour ramener le courant vers vous parallèlement au dormant. Formez ensuite une première demi‑clé en passant le courant autour du dormant puis sous lui‑même. Serrez. Répétez l’opération pour obtenir une seconde demi‑clé, placée directement sur la première.
  • Avantages : Le tour complet répartit la charge sur une plus grande surface, réduisant la pression sur le support tout en augmentant la friction. L’ajout des deux demi-clés verrouille le bout en place, conférant à ce nœud une tenue très fiable même lorsque la direction de la traction varie. C’est donc un grand standard du matelotage, parfait pour amarrer un bout à un bitte, une pile ou un taquet.
  • Inconvénients : Comme il comporte trois tours, ce nœud utilise plus de longueur de corde qu’un simple nœud de cabestan. Sur des supports très fins ou glissants, les demi-clés peuvent se desserrer si elles ne sont pas correctement ajustées.
  • Conseils : Laissez un peu de longueur (≈ 10 cm) après la dernière demi‑clé et glissez‑la sous le dormant pour éviter tout glissement. Sur du cordage synthétique très lisse, ajoutez une troisième demi‑clé pour plus de sécurité. Si la surface est extrêmement lisse, vous pouvez même doubler le tour mort avant les demi‑clés.

Nœud de grappin

  • Comment le nouer : Ce nœud est très proche du tour mort et deux demi-clés. La seule différence intervient après avoir fait le tour mort. Lorsque vous réalisez la première demi-clé, il faut passer le courant à l’intérieur du tour mort et non à l’extérieur. Formez une boucle dans la partie tendue, laissant un petit bight qui deviendra l’œil. Terminez par une autre demi-clé et serrez en tirant sur le dormant. Le nœud se refermera en formant une prise compacte autour du point fixe.
  • Avantages : Le nœud de grappin crée un oeil solide et autobloquant qui résiste au renversement sous la charge. La charge est supportée par l’œil, conservant ainsi la résistance du cordage. Sa forme compacte le rend idéal pour le frapper à un maillon de chaîne, à un grappin ou à toute autre point fixe nécessitant une largeur réduite pour éviter de s’accrocher. Nous l’avons illustré ci-dessus sur une manille.
  • Inconvénients : Si le point fixe est très lisse, le nœud peut glisser avant que l’œil ne se mette en place. Sous forte charge, le nœud peut aussi avoir tendance à se souquer. Il peut alors être diffile à défaire sans suffisamment de longueur libre sur le courant.
  • Conseils : Laissez toujours un bout d’au moins 15 cm et glissez‑le sous le dormant après le serrage. Sur des ancres en acier poli, enroulez d’abord un petit morceau de garcette autour de l’œil. La texture supplémentaire augmente l’adhérence. Si vous avez besoin de le dénouer rapidement, terminez par une demi-clé gansée autour du dormant. En tirant sur la boucle, le nœud de grappin se défera plus facilement.

Nœud de drisse

  • Comment le nouer : Passez le bout à l’intérieur de la manille ou du mousqueton de drisse. Faites ensuite un premier tour autour du dormant, puis un deuxième tour au-delà du premier. Ramenez l’extrémité courante par-dessus les deux boucles et passez-la dans les tours. Elle doit « sortir » du nœud parallèlement au dormant. Tirez sur le dormant pour serrer le nœud. Vous obtenez ainsi un nœud compact qui maintient la manille tout en permettant un ajustement si nécessaire.
  • Avantages : Conçu pour les charges verticales. Son courant et son dormant parallèles sont pratiques. Son profil bas évite les interférences avec les autres drisses ou haubans.
  • Inconvénients : Sur des points fixes plus volumineux, le nœud peut glisser latéralement si la charge n’est pas parfaitement axiale. Le nœud de drisse offre également moins de friction qu’un tour mort et convient donc moins à des efforts conséquents dont la direction pourrait changer. Enfin, il se souque et risque donc d’être difficile à défaire.
  • Conseils : Si l’espace le permet et que la bout utilisé est glissant, ajoutez un troisième tour pour plus de sécurité. Cela maximise l’adhérence. Dans le cas d’une drisse, il est préférable d’éviter de laisser trop de longueur sur le courant. Il pourrait s’accrocher dans les réas, poulies ou autre accastillage à proximité. La version la plus couramment utilisée du nœud de drisse a le courant qui sort sur le côté. L’alternative illustrée ici est cependant plus propre.

Nœud de bosse

  • Comment le nouer : Placez le dormant le long du support que vous souhaitez attacher (par exemple un espar ou une autre bout). Faites un tour autour de l’objet, puis ramenez le courant par-dessus le dormant et sous le premier tour, formant ainsi la première demi-clé. Répétez la même manœuvre une deuxième fois, en empilant la deuxième demi-clé directement sur la première. Tirez sur le dormant pour serrer. Les deux demi-clé se verrouillent, créant une prise « coulissante » qui résiste à la traction dans un sens tout en glissant librement dans le sens opposé.
  • Avantages : Le nœud de bosse est idéal pour attacher un bout à une barre ou à un autre cordage lorsque vous devez tirer dans une direction sensiblement parallèle au support. C’est le nœud à privilégier pour dégager une écoute coincée sur un winch, pour réaliser un hale-bas ou pour fixer un cordage sur un tangon.
  • Inconvénients : Sur des surfaces très lisses, le nœud peut glisser avant que les demi‑clés ne réussissent à « crocher ». Et en cas d’à-coups, le nœud peut se défaire si les tours ne sont pas bien serrés.
  • Conseils : Serrez bien les deux demi-clés et assurez-vous que la deuxième repose directement sur la première pour obtenir le « verrouillage » caractéristique. Sur du cordage synthétique, ajoutez une troisième demi‑clé pour renforcer la tenue. Lorsque le nœud de bosse est réalisé sur un autre bout, il faut réellement tirer le plus parallèlement à ce dernier afin de maximiser la friction et donc la tenue du nœud.

Nœud de taquet

  • Comment le nouer : Amenez votre bout ou aussière jusqu’à la partie la plus éloignée du taquet. Tournez alors votre cordage autour de la base du taquet. L’angle initial doit donc faire plus de 90°. Continuez autour de la base pour passer sous l’autre corne. Commencez maintenant à croiser par-dessus le taquet. Repassez maintenant sous la première corne et alors que le courant ressort parallèle au dormant, recroiser à nouveau par-dessus le taquet. Passez une dernière fois sous la deuxième corne et terminez en glissant le courant sous le dernier croisement. Tirez sur le courant puis le dormant pour serrer le nœud. Votre cordage est maintenant frappé au taquet en formant un « 8 ».
  • Avantages : Le nœud de taquet est la référence pour amarrer une aussière sur un taquet, aussi bien sur un ponton que sur le pont du bateau. Ses deux boucles répartissent la charge de manière uniforme sur les deux cornes, assurant une tenue fiable même sous des charges modérées à fortes. Il fonctionne bien avec les cordages naturels et synthétiques et peut être largué facilement.
  • Inconvénients : Si les cornes du taquet sont usées ou arrondies, le nœud peut glisser. Un nœud mal fait peut vriller, ce qui réduit sa tenue et rend plus difficile son largage.
  • Conseils : Après le serrage, tirez fermement sur le dormant pour l’éloigner du taquet. Cela permet de « verrouiller » les boucles en place. Pour plus de sécurité sur un taquet glissant, terminez par une demi-clé en double autour du dormant. Il n’est pas nécessaire d’ajouter davantage de boucles ou de croisements. Cela ne ferait que rallonger le temps nécessaire pour ajuster vos aussières si besoin.

Nœud de tête d’alouette

  • Comment le nouer : Amenez le bout perpendiculairement autour du support (barre, rail, ou espar). Ramenez le courant au‑dessus du dormant, puis revenir sur vos pas : autour du point fixe, en hors de la boucle en « U » ainsi formée. Tirez sur les deux extrémités pour serrer le nœud.
  • Avantages : La tête d’alouette est un nœud compact et discret qui fonctionne bien lorsque l’espace est limité. Par exemple, pour attacher un bout à un rail étroit ou à un espar fin. Comme le bout est en contact avec l’objet des deux côtés, le nœud répartit la charge de manière uniforme et peut être serré rapidement d’un seul coup.
  • Inconvénients : Sur des surfaces lisses ou coniques, ce nœud peut glisser, surtout si la traction n’est pas perpendiculaire à l’objet ou si elle n’est pas équilibrée entre les deux brins. Ce nœud provoque également moins de friction qu’un tour mort. Il est donc à éviter pour les fortes charges.
  • Conseils : Si l’objet est glissant, ajoutez une demi‑clé autour du dormant pour sécuriser davantage le nœud. Veillez à ce que la boucle soit aussi petite que possible. Une boucle plus serrée augmente l’adhérence et réduit le risque de glissement. Ce nœud peut être utilisé pour fixer une manille textile à un rail ou à un objet.

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    Faisons le lien entre les différents types de nœuds

    Avec les nœuds d’arrêt, les nœuds d’ajut, les boucles et maintenant les nœuds d’amarrage, vous avez désormais acquis une bonne maîtrise des nœuds marins. Nous avons navigué à travers quatre familles de nœuds répondant chacune à des situations distinctes. Jusqu’à présent, vous aviez appris à bloquer un cordage, à joindre deux bouts, et à créer un œil. Désormais vous savez comment frapper un bout sur un point fixe.

    Ensemble, tous ces nœuds vous donnent la flexibilité nécessaire pour faire face à presque toutes les situations à bord. Si vous avez manqué les chapitres précédents, on vous invite à réviser vos connaissances sur les nœuds d’arrêt, les nœuds d’ajut et les boucles. Et surtout, on vous souhaite de bien ranger vos bouts et de bien faire vos nœuds, pour des navigations sans encombre. Bon matelotage !