Gardez l’œil ouvert, et le bon : choisir le meilleur nœud en boucle

Un bon nœud peut faire la différence entre une navigation en douceur et un enchevêtrement inextricable. Nous avons déjà passé en revue les nœuds d’arrêt et les nœuds d’ajut. Ces deux familles répondent à des besoins spécifiques : empêcher un cordage de s’échapper et relier deux bouts entre eux. La prochaine étape logique consiste à examiner un troisième couplet du répertoire des nœuds marins : les boucles.

Vous pouvez nouer une boucle à l’extrémité d’un bout (comme pour le nœud de chaise classique) ou au milieu d’un cordage (comme pour le nœud de papillon). En maîtrisant ces deux techniques, vous vous donnez davantage d’options pour frapper ou ajuster votre équipement sans avoir à couper le cordage ou refaire tout le nœud. Découvrons ensemble cinq des nœuds les plus utiles pour former une boucle. Nous verrons comment nouer chacun, ainsi que ses forces et faiblesses, et des conseils pratiques pour que votre matelotage soit efficace et sûr.

Qu’est‑ce qu’une boucle ?

Une boucle crée un oeil permanent dans un cordage. Elle vous procure ainsi un point d’attache prêt à l’emploi qui peut supporter une charge, être accroché à du matériel ou servir de point d’appui. Elle ouvre un espace qui reste fixe même sous tension. Cet oeil peut recevoir une manille, un mousqueton, un autre cordage ou de l’accastillageEnsemble des pièces et accessoires d'un bateau, et en particulier ceux que l'on trouve sur le pont (winchs, poulies, taquets, coinceurs, manilles...) More. Un simple filin devient ainsi un point d’ancrage polyvalent.

Comme la charge est répartie sur les fibres qui la composent, une boucle bien nouée conserve généralement un pourcentage élevé de sa limite de rupture initiale. Le nœud doit également être facile à contrôler et à ajuster. Les qualités essentielles d’une bonne boucle sont les suivantes :

• Stabilité sous charge : l’œil doit conserver la même taille et la même forme lorsqu’une traction est exercée.
• Faible tendance à se souquer : même après une forte traction, le nœud doit se défaire sans effort excessif, ni nécessité de couper le cordage.
• Facilité à le dénouer : le nœud permet idéalement un ajustement rapide, en particulier dans des conditions humides ou froides.

Les boucles à l’extrémité d’un bout sont idéales lorsque vous avez besoin d’un œil rapide et accessible pouvant être noué et dénoué à plusieurs reprises. Les nœuds réalisés en plein milieu du dormant sont utiles lorsque les extrémités du bout sont inaccessibles. Vous pouvez aussi avoir besoin d’un point d’attache fixe sans raccourcir sensiblement la longueur utile du bout. En panachant ces techniques, vous élargirez votre boîte à outils pour l’amarrage, le gréementL'ensemble des espars (mâts, bômes, vergues), des câbles et des cordages nécessaires à la tenue et à la manœuvre des voiles. More, le sauvetage et les manœuvres quotidiennes. Rentrons dans le vif du sujet !

Le nœud de plein poing

• Comment le nouer : Si vous savez déjà faire un simple demi-nœud, vous pouvez utiliser exactement le même mouvement pour former un œil dans le bout. Le nœud de plein poing n’est autre qu’un demi-nœud réalisé avec une boucle au lieu du courant. Pour le réaliser, pliez d’abord le bout en deux pour l’avoir en double. Croisez ensuite ce U sur lui-même pour obtenir une ouverture. Faites enfin passer l’extrémité du U dans cet œil et serrez le nœud pour qu’il forme une boucle compacte et propre.
• Avantages : Son principal atout est sa simplicité. Avec un seul croisement, ce nœud est rapide à faire et à contrôler. Il est donc idéal pour les réparations temporaires ou pour marquer un bout lors d’une vérification rapide. Comme le nœud est proche du cœur du cordage, sa charge de rupture n’est pas trop diminuée. Cela le rend adapté aux charges modérées, comme le marquage d’un filin, d’une drisseCordage qui permet de hisser une voile, mais également une vergue ou un pavillon. Généralement les drisses sont pré-étirées afin d'éviter le relâchement de la tension au fil du temps. More ou la fixation temporaire de petits équipements.
• Faiblesses : Sous une tension forte ou prolongée, la boucle simple peut se souquer, en particulier sur des fibres synthétiques lisses. Une fois complètement serré, le nœud peut devenir difficile à défaire sans devoir couper le cordage. Cela limite son utilité pour les applications nécessitant des ajustements ou des dénouages fréquents. Le nœud de plein poing n’est pas conçu pour supporter une forte charge dans des directions diamétralement opposées car cela l’affaiblirait.
• Conseils : Veillez à ce que la boucle soit petite et le nœud bien net en serrant bien les dormants. Assurez-vous également que dormant et boucle sont bien alignés avant de serrer. Un nœud désaxé réduit la résistance et peut entraîner une torsion de la boucle sous l’effet de la charge.

Le nœud de chaise

• Comment le nouer : Le nœud de chaise est sans doute le plus célèbre des nœuds marins. Commencez par former un petit œil (le « puis ») sur le dormant. Maintenant faites sortir le courant (le « serpent ») du puis. Faites-lui faire « le tour de l’arbre », c’est-à-dire un tour autour du dormant. Puis repassez-le dans l’œil initial. Ajustez enfin le nœud et serrez-le en tirant la boucle et le dormant dans des directions opposées.
• Avantages : Surnommé le « roi des nœuds », le nœud de chaise crée une boucle solide et stable, facile à faire même avec des mains froides et gantées. Il tient bien sous des charges soutenues, mais ne se souque pas. Cela permet de le défaire rapidement après une traction, même importante. Sa forme ronde et ouverte répartit la tension de manière uniforme, préservant ainsi la résistance du cordage.
• Inconvénients : Soumis à des charges cycliques ou à des chocs soudains, le nœud de chaise peut se desserrer s’il n’est pas correctement ajusté. Sur des fibres synthétiques très glissantes, le nœud peut glisser à moins d’ajouter une demi-clé supplémentaire. Il a également tendance à se desserrer lorsqu’il est laissé faiblement chargé pendant de longues périodes sans surveillance.
• Conseils : Après avoir fait le nœud, serrez bien en tirant d’abord sur le dormant pour bloquer le nœud. Tirez ensuite fermement sur la boucle pour « verrouiller » le serpent. Pour plus de sécurité sur des cordages glissants, terminez par une demi-clé. Lorsque vous utilisez un nœud de chaise pour un sauvetage ou une charge critique, vérifiez que le courant dépasse d’au moins 15 cm.

Le nœud de chaise double sur son double

(ou plus simplement nœud de chaise double)

• Comment le nouer : Le nœud de chaise double est une variante qui permet de créer une boucle sans avoir besoin des extrémités du cordage. Pliez d’abord le courdage en U pour l’avoir en double. Formez une large boucle avec le bout en double. Puis faites une petite boucle (l’« œil ») avec la boucle en la croisant sur elle-même. Faites ensuite passer l’extrémité libre de la boucle dans cet œil. La partie délicate consiste maintenant à ouvrir largement l’extrémité de la boucle et à la faire passer tout autour du nœud, de manière à ce qu’elle entoure maintenant le dormant. Tirez maintenant sur la boucle pour l’agrandir et serrer le nœud.
• Avantages : Comme il utilise le cordage en double, ce nœud peut être réalisé en plein milieu d’un bout. C’est très pratique lorsque les courants sont inaccessibles. La boucle obtenue est solide et stable. Elle est parfaite pour attacher un harnais, un dispositif de sauvetage ou une amarre. Elle conserve également une proportion élevée de sa charge de rupture.
• Faiblesses : Ce nœud est plus volumineux qu’un nœud de chaise simple, ce qui peut gêner la circulation dans des passages étroits. Sur une aussière très rigide, il peut être difficile de faire un nœud bien ajusté. Or, un nœud mal ajusté peut glisser sous l’effet d’une charge brusque.
• Conseils : Veillez à ce que la taille de la boucle soit adaptée à la fixation prévue. Si elle est trop grande, le nœud sera plus difficile à ajuster. Si elle est trop petite, la boucle risque de se souquer sous la charge. Lorsque vous réalisez ce nœud sur un cordage de gros diamètre, utilisez un peu d’eau ou de lubrifiant pour aider la boucle à glisser facilement.

Le nœud de chaise de calfat

(ou plus simplement nœud de calfat)

• Comment le nouer : Le nœud de calfat est un nœud moins connu mais très polyvalent. Il s’agit fondamentalement d’un nœud de chaise avec une boucle supplémentaire. Commencez par faire un œil sur le dormant en laissant suffisamment de longueur sur le courant. Venez passer le courant à côté du « puits » sans y entrer, et continuez pour former une deuxième boucle. Terminez ensuite comme pour un nœud de chaise : faites passer l’extrémité à travers le « puits », autour de la partie fixe (l’arbre), puis revenez dans le « puits ». Le tout en verrouillant au passage la deuxième boucle. Enfin, tirez sur les boucles d’un côté et sur le dormant de l’autre pour serrer le nœud.
• Avantages : Ce nœud forme une double boucle compacte et peu volumineuse qui ne se souque pas, même sous de fortes tensions. Sa structure lui confère une excellente stabilité lorsqu’il est utilisé comme harnais de sauvetage ou d’escalade, car la charge est répartie sur plusieurs brins. Le nœud de calfat résiste également mieux aux chocs qu’un nœud de chaise standard.
• Faiblesses : comme le nœud comporte plusieurs tours, il peut être difficile à réaliser correctement pour les débutants. Sur un filin de petit diamètre ou glissant, le nœud peut glisser si l’extrémité libre n’est pas suffisamment longue. Enfin, son volume légèrement plus important par rapport à un nœud de chaise simple peut le rendre moins adapté à de l’accastillageEnsemble des pièces et accessoires d'un bateau, et en particulier ceux que l'on trouve sur le pont (winchs, poulies, taquets, coinceurs, manilles...) More ajusté.
• Conseils : Entraînez-vous à faire ce nœud avec un cordage de rechange jusqu’à ce que la séquence vous semble naturelle. Laissez toujours une extrémité d’au moins 20 cm et assurez-la avec une demi-clé supplémentaire pour plus de sécurité. Lorsque vous l’utilisez comme boucle de harnais, vérifiez que le diamètre de la boucle correspond au point d’attache prévu afin d’éviter tout serrage excessif accidentel.

Le nœud de papillon alpin

(ou plus simplement nœud de papillon)

• Comment le nouer : Le nœud de papillon alpin crée un œil fixe au milieu d’un cordage sans perturber les dormants. Pour le nouer, formez une boucle en U tournée vers le haut et vrillez cette boucle deux fois. Faites ensuite passer la boucle de haut en bas au-dessus des deux torsions, afin de créer une forme de bretzel. Continuez le mouvement afin que la boucle passe derrière le nœud et ressorte de l’arrière vers l’avant à travers l’ouverture centrale entre les deux torsions. Enfin, serrez en tirant sur les trois extrémités (les deux dormants et la boucle).
• Avantages : Ce nœud se distingue lorsqu’il est nécessaire de former une boucle solide et résistante au milieu du bout, par exemple pour créer un point d’ancrage à mi-cordage ou un point d’appui pour les pieds. Il répartit la charge de manière symétrique, préservant ainsi jusqu’à 90 % de la résistance du cordage. La boucle papillon ne se bloque pas et peut être défaite facilement, même après avoir supporté une charge importante.
• Faiblesses : Le nœud de papillon peut être difficile à réaliser correctement sur une aussière très épaisse ou rigide. Cela peut entraîner un mauvais ajustement et une perte de résistance. Si la boucle est trop grande, le nœud peut se déplacer sous la charge, ce qui réduit sa fiabilité. Il occupe également plus de longueur de corde que le nœud de plein poing.
• Conseils : Veillez à ce que la boucle soit juste assez grande pour la fixation prévue : une boucle plus serrée réduit la quantité de cordage utilisé et améliore la stabilité. Lorsque vous faites un nœud sur un nouveau bout, entraînez-vous à effectuer lentement le mouvement de torsion et de traction afin de vous assurer que les tours sont francs.

Boucler la boucle

Les boucles viennent compléter votre savoir-faire en matelotage, qui comprenait déjà les nœuds d’arrêt et les nœuds d’ajut. Ces nouveaux nœuds permettent de créer des boucles flexibles qui peuvent être attachées, ajustées et détachées selon les besoins. Que vous ayez besoin d’une boucle rapide temporaire, d’un nœud de chaise fiable pour une ligne de sauvetage ou d’un nœud de papillon solide pour un ancrage à mi-cordage, chaque nœud a ses spécificités, sa résistance, et sa facilité d’utilisation.

La maîtrise de ces cinq nœuds permettra à votre équipage de faire face à un large éventail de situations, qu’il s’agisse d’amarrer une annexe ou d’arrimer un taud. Suivez-nous pour ne pas manquer le prochain épisode. Nous terminerons notre tour des nœuds marins avec les nœuds de fixation (qui permettent de frapper un bout à un objet). Bon matelotage !