Astuces pour naviguer sous les hautes latitudes

Par Nicolas

Chaque mois, sur nos réseaux sociaux, nous mettons en avant une destination de croisière. Ce mois-ci, nous partons à la découverte du bout du monde 👇

En photo, le Ventisquero Guilcher, l’un des nombreux glaciers descendant de la Cordillera Darwin. Cette péninsule montagneuse aux formes fractales constitue la partie occidentale de la Terre de Feu. Par rapport au reste de la célèbre île patagonienne (la 29e plus grande île au monde et la plus grande d’Amérique du Sud), elle s’avance de 100 milles vers l’ouest en s’élevant à plus de 2 000 mètres au-dessus des fjords environnants.

Le glacier Ventisquero Guilcher, en Patagonie chilienne

🏔️ Cela en fait l’un des bassins de croisière les plus spectaculaires de la planète. Partant du canal Beagle au sud et du canal Magdalena au nord, des dizaines de bras de mer viennent entailler la péninsule. Dix au moins se terminent avec des glaciers qui vêlent dans la mer. Spectacle assuré ! 🤩

Ce glacier est l’un des plus accessibles. Mais bien que situé à seulement 60 milles à l’ouest d’Ushuaia 🇦🇷, s’y rendre reste une véritable aventure. Tout d’abord, il faut parcourir 50 milles aller-retour jusqu’à Puerto Williams 🇨🇱 pour faire son entrée au Chili. Mais surtout, la navigation dans ces eaux froides et isolées est particulièrement exigeante.

👉 Saissons cette opportunité pour partager quelques conseils qui facilitent la croisière sous les hautes latitudes. Pensez donc à bien nous suivre pour ne rien manquer.

Un ancre est descendue jusqu'au niveau de l'eau à l'étrave d'un voilier

Votre propre brise-glace léger

Que se passe-t-il ? Pourquoi faire surfer cette ancre devant le bateau ? ⚓️

Voici une première astuce que nous avons trouvée utile lors de nos incursions dans les bras de mer glaciaires. Lorsqu’il y a quelques morceaux de glace épars ici et là, il est intéressant de laisser l’ancre glisser à la surface de l’eau. Elle agit alors comme un brise-glace léger, repoussant les petits morceaux de glace (les bergy bits) afin qu’ils ne heurtent pas l’étrave. 

🧊 Bien sûr, il faut continuer d’éviter les growlers plus gros. Et cela ne fonctionne que tant que la densité de la glace n’augmente pas. Mais cette technique vous permettra alors de maintenir une certaine vitesse lorsque vous naviguez dans des eaux encore peu recouvertes de glace (comme on peut le voir à l’arrière-plan).

Ça peut devenir un vrai sac de noeuds !

Sous les hautes latitudes, on complète souvent le mouillage par des amarres à terre. Il est courant de jeter l’ancre dans 15 mètres d’eau, sans évitage possible. D’ailleurs, il vaut mieux s’abriter près des arbres pour que les rafales ne puissent pas frapper la coque.

Cela nécessite un sérieux amarrage à terre. Une, deux, jusqu’à quatre amarres peuvent être portées à terre et frappées à des arbres solides, à une ancre à terre ou à des formations rocheuses (dans ce cas, il est préférable d’éviter le ragage en enroulant quelques mètres de chaîne autour du rocher, puis en attachant l’aussière à la boucle de la chaîne).

Les amarres doivent être longues d’au moins 60 mètres. 100 mètres, c’est mieux. Il pourrait donc y avoir 400 mètres de cordages qui s’entremêlent joyeusement sur le pont. Vous comprenez l’idée : si vous ne les organisez pas, elles finiront par former un énorme nœud. 

Un équipier est en train de ranger des centaines de mètres d'aussières flottantes à l'étrave d'un voilier de voyage

Si vous avez la chance d’avoir des enrouleurs de sangles (flatline), les manœuvres seront facilitées. Sinon, c’est facile d’assembler des sacs en filet qui permettront de ranger les lignes à terre. Elles seront ainsi prêtes à filer proprement quand vous en aurez besoin.

Une dernière remarque concernant le matériau : dans la plupart des cas, les cordages flottants en polypropylène sont préférables. C’est alors facile de les porter à terre en annexe à la rame sans qu’elles ne coulent sous leur propre poids. En revanche, dans un mouillage dans lequel la glace pourrait se frayer un chemin, il vaut mieux s’amarrer avec des aussières classiques, qui coulent. Sinon, elles risqueraient de piéger et retenir la glace, et de céder sous la pression.

Prudence avec les prévisions !

Avoir accès aux données météorologiques, c’est bien. Savoir les interpréter, c’est mieux.

Nous naviguons toujours en Patagonie. La journée s’annonce idéale pour mettre le cap sur le Canal Wide (point rouge, au milieu à droite). Seuls 18 nœuds sont prévus, et encore moins plus au nord.

Gardez toutefois à l’esprit que le vent est régi avant tout par la pression atmosphérique. Or, rien ici n’indique que le gradient soit différent à l’intérieur des canaux chiliens par rapport à l’extérieur, dans l’océan Pacifique. L’espacement entre les isobares est pratiquement identique. Et la barbule triangulaire indique une prévision de 50 nœuds juste à l’extérieur de l’archipel…

Un autre indice pouvant nous aider à déceler cela ? Regardez les rafales prévues : 43 nœuds. C’est beaucoup, étant donné une vitesse moyenne de 18 nœuds. Bien plus que la normale. Le fait est que le modèle calcule une vitesse moyenne du vent non seulement dans le temps, mais aussi sur une grande superficie, dont la majeure partie est constituée de terres montagneuses, qui pourront être protégées du vent.

Bref, sur l’eau, il ne serait pas surprenant de devoir affronter des vents de 45 à 50 nœuds. Et probablement plus encore dans les endroits où le relief peut canaliser le flux. On est loin des 4 Beaufort auxquels pourrait s’attendre un plaisancier peu méfiant.